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Aout 2019

Bolivie . La route de Julaka

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Yourcenar: « Les mémoires d’Hadrien »

« Depuis les nuits de mon enfance, où les bras levés de Marudinus m’indiquaient les constellations, la curiosité des choses du ciel ne m’a pas quitté. Durant les veilles forcées des camps, j’ai contemplé la lune courant à travers les nuages des cieux barbares. Plus tard par de claires nuits attiques j’ai écouté l’astronome Théron de Rhodes expliquer son système du monde.

Étendu sur le pont d’un navire en pleine mer Egée, j’ai contemplé la lente oscillation du mât se déplacer parmi les étoiles, aller de l’œil rouge du taureau au pleur des Pléiades, de Pégase au cygne. J’ai répondu de mon mieux aux questions naïves et graves du jeune homme qui contemplait avec moi ce même ciel.

 

Ici à la villa, j’ai fait construire un observatoire dont la maladie m’empêche aujourd’hui de gravir les marches.

 

Une fois dans ma vie j’ai fait plus. J’ai offert aux constellations le sacrifice d’une nuit toute entière.  Ce fût après la visite à Osroes, durant la traversée du désert syrien. Couché sur le dos, les yeux bien ouverts, abandonnant pour quelques heures tout soucis humain, je me suis livré du soir à l’aube à ce monde de flamme et de cristal. Ce fut le plus beau de mes voyages. Le grand astre de la constellation de la Myre, étoile polaire des hommes qui vivront pendant des dizaines de milliers d’années alors que nous seront plus, resplendissaient sur ma tête.

Les gémeaux luisaient faiblement dans les dernières lueurs du couchant. Le serpent précédait le sagittaire, l’aigle montait vers le zénith, toutes ailes ouvertes et à ses pieds, cette constellation non encore désignée par les astronomes et à laquelle j’ai donné depuis le plus cher des noms. 

La nuit, jamais tout aussi complète que le croient ceux qui vivent et qui dorment dans les chambres se fît plus obscure, plus claire.

Les feux qu’on avait laissé brûler pour effrayer les chacals s’éteignirent.

Ce tas de charbons ardents me rappela mon grand père debout dans sa vigne et ses prophéties désormais devenues présent, et bientôt passées.

 

J’ai essayé de m’unir au divin sous bien des formes, j’ai connu plus d’une extase, il en ait d’atroces et d’autres d’une bouleversante douceur. Celle de la nuit syrienne fût étrangement lucide. Elle inscrivit en moi des mouvements célestes avec une précision à laquelle aucune observation partielle ne m’aurait jamais permis d’atteindre.

Je sais exactement à l’heure où je t’écris, quelle étoile passe ici, à Tibure, au dessus de ce plafond orné de stuc et de peinture précieuse, et ailleurs là bas, sur une tombe .

 

Quelques années plus tard, la mort allait devenir l’objet de ma contemplation constante, la pensée à laquelle je donnais toutes celles des forces de mon esprit que n’absorbait pas l’état. Et qui dit mort dit aussi le monde mystérieux auquel il se peut qu’on accède par elle.

Après tant de réflexions et d’expériences parfois condamnables, j’ignore encore ce qu’il se passe derrière cette tenture noire. Mais la nuit syrienne me représente ma part consciente d’immortalité. »

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Thomas
Porte
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